Répercussions sur l’économie tunisienne et le budget de l’État
Le baril de Brent s’échange actuellement autour de 63 dollars, enregistrant une baisse de plus de 4 % par rapport à la clôture précédente. Cette chute, survenue dans un contexte de ralentissement de la demande mondiale et d’anticipations d’un assouplissement de la production par l’OPEP+, pourrait être une bonne nouvelle pour la Tunisie, pays fortement dépendant des importations énergétiques. Mais cette aubaine ne sera bénéfique que si elle s’accompagne de décisions stratégiques.
Un soulagement immédiat pour la balance énergétique
La Tunisie reste structurellement déficitaire en énergie. En 2024, son taux de dépendance énergétique a atteint 59 %, un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes. Le pays importe donc une grande partie de son pétrole et de son gaz pour répondre aux besoins du transport, de l’industrie et de la consommation domestique.
À fin novembre 2024, le déficit énergétique s’élevait à près de 9,9 milliards de dinars, représentant l’un des principaux postes du déficit commercial national. La baisse actuelle des cours mondiaux pourrait alléger cette facture de manière significative. Chaque baisse de 10 dollars sur le baril peut permettre à la Tunisie d’économiser jusqu’à 600 à 800 millions de dinars sur une année.
Des retombées positives pour le budget de l’État
L’État tunisien consacre une part importante de ses dépenses aux subventions énergétiques, destinées à maintenir les prix des carburants, de l’électricité et du gaz à des niveaux supportables pour la population. En 2024, environ 73 % des subventions publiques étaient allouées aux hydrocarbures.
Pour 2025, le budget a été construit sur l’hypothèse d’un baril à 77,4 dollars. Or, avec un Brent à 63 dollars, l’État pourrait économiser plusieurs centaines de millions de dinars sur les dépenses de compensation. Ces économies pourraient être réorientées vers d’autres priorités comme la santé, l’éducation ou l’investissement public, ou utilisées pour réduire le déficit budgétaire, qui reste l’un des talons d’Achille de la politique économique tunisienne.
Un impact désinflationniste, mais à surveiller
La baisse des prix du pétrole a aussi un effet mécanique sur l’inflation. Moins de pression sur les coûts du transport et de l’énergie, c’est également moins de répercussions sur les prix des produits alimentaires, des biens de consommation et des services.
Dans un pays où l’inflation dépasse régulièrement les 8 %, cette dynamique peut aider à préserver le pouvoir d’achat des ménages, particulièrement dans les zones urbaines les plus touchées par la hausse du coût de la vie. Toutefois, il faut rester prudent : une remontée brutale des prix, comme cela s’est produit à plusieurs reprises depuis 2020, pourrait inverser cette tendance en quelques semaines.
Une opportunité à saisir pour accélérer la transition énergétique
La question centrale est donc la suivante : la Tunisie saura-t-elle tirer parti de ce répit temporaire ? Car cette baisse des prix ne doit pas être vue comme une solution durable, mais comme une fenêtre stratégique.
Plutôt que de capitaliser ces économies à court terme sans vision, l’État tunisien pourrait en profiter pour :
- Investir davantage dans les énergies renouvelables, notamment solaire et éolien.
- Lancer une politique d’efficacité énergétique, avec un meilleur ciblage des subventions et une lutte contre le gaspillage.
- Renforcer l’infrastructure de transport collectif pour réduire la dépendance au carburant.
- Améliorer la gouvernance énergétique et la transparence dans la gestion des ressources publiques.
Pourvu que ça dure… mais surtout, pourvu qu’on en fasse quelque chose
La baisse actuelle des prix du pétrole est une chance, mais elle est fragile. Le marché pétrolier est notoirement instable : une décision de l’OPEP, une crise géopolitique ou un rebond économique suffirait à inverser la tendance.
Pour la Tunisie, l’enjeu n’est pas seulement de profiter d’un baril moins cher, mais de réduire sa vulnérabilité structurelle face à l’énergie importée. C’est une occasion rare pour poser les bases d’une souveraineté énergétique plus affirmée, et pour construire une économie plus résiliente. Encore faut-il avoir le courage politique d’agir au bon moment.