L’Etat a toujours besoin des compétences nécessaires pour son développement. La Tunisie a toujours puisé dans un grand gisement en compétences qui est l’Ecole Nationale d’Administration, surtout dans la période post indépendance et durant les phases difficiles, comme la période post 2011.
La nomination de monsieur Kamel Maddouri à la tète du gouvernement, un pur produit de l’Ecole Nationale d’Administration, confirme encore une fois cette tendance. En effet, après Hichem Mechichi, c’est le 2ème chef de gouvernement issu de cette prestigieuse école.
Une école prestigieuse :
L’ENA a été créée le 03 Février 1949 sous le nom « École Tunisienne d’Administration » dont la mission était de préparer les candidats aux concours administratifs. Après l’indépendance, et précisément le 21 Juin 1956, l’Ecole a été tunisifiée, et a eu pour mission « la formation des ressources humaines en conformité avec les besoins de la jeune administration tunisienne, de manière à pourvoir les postes administratifs vacants, notamment de niveau supérieur, qui étaient réservés exclusivement aux administrateurs français ».
Le vrai départ de l’ENA fut le 18 Janvier 1964 avec l’inuguration de son nouveau siège, situé actuellement à Mutuelleville, dans le siège d’une ancienne église. L’ENA se charge actuellement de la formation des différentes catégories de fonctionnaires, de développement de leurs compétences de recherches administratives et d’organisation de séminaires. Plusieurs cycles sont établis dont le plus prestigieux est celui du Cycle supérieur. L’ENA abrite aussi un Centre de Recherche et d’Études Administratives, un centre pour la gouvernance et l’institut pour le leadership administratif.
Mais qu’est ce qui fait le succès de cet établissement ?
Les compétences issues de l’ENA ont prouvé là ou ils ont travaillé leur capacité à diriger, à gérer et surtout à développer.
Tout commence au niveau de la sélection des élèves de l’école au cycle supérieur. Le concours d’accès est le plus grand concours réalisé en Tunisie, parce qu’il concerne toutes les disciplines. En moyenne plus de 7000 diplômés postulent pour ce concours pour la sélection de seulement 50 élèves. Le concours est réalisé en deux phases avec une étape écrite et une orale devant une commission de cadres et professeurs. C’est donc la crème de la crème qui intègre ce cycle.
Le cursus à l’Ecole contribue énormément à avoir un produit de qualité supérieure. La formation des cadres est assurée par les plus grandes compétences tunisiennes au niveau administratif et universitaire. C’est une formation polyvalente et qui couvre les spécialités juridiques, économiques et même scientifique. Pendant les 3 années d’études les élèves du cycle supérieur procèdent à des stages dans les gouvernorats, les entreprises publiques et à l’étranger (consulats, ambassades,…).
Tout est fait pour que l’élève à la fin de ces études, et en intégrant l’administration, soit directement opérationnel, capable de travailler dans n’importe quel poste.
L’école est l’un des rares établissements qui conserve une certaine discipline et une rigueur irréprochable. Une note d’assiduité est attribuée aux élèves et qui a une grande importance pour la réussite des élèves.
Depuis le 14 Janvier 2011, une vingtaine de ministres et secrétaire d’Etat issus du cycle supérieur de l’ENA ont intégré les différents gouvernements. Certains ont brillé par leur compétence, mais d’autres ont été bloqués par les aléas de la politique, et c’est le cas de Hichem Mechichi.
Maddouri : les qualités….
Kamel Maddouri, qui a roulé sa bosse au ministère des affaires sociales depuis sa sortie de l’ENA, occupant plusieurs postes de responsabilités et jusqu’à être ministre des affaires sociales a été chargé de présider le gouvernement par le Président de la République.
Tout en connaissant la personne personnellement, Mr Maddouri est le symbole du grand commis de l’Etat, compétent, intègre, discipliné et un fin négociateur qui arrive toujours à trouver les compromis. Il connait les rouages de l’administration, et a l’historique de plusieurs dossiers stratégiques pour le pays. Il est apolitique, malgré quelques affinités socialistes. Il n’est pas un grand fonceur sur certains dossiers, mais sait temporiser avant de prendre la décision nécessaire. Il est aussi connu pour être tranchant, sachant faire les ruptures nécessaires.
Durant son passage au ministère des affaires sociales, il a été constamment respecté par ses collègues, et il est aussi respectueux pour ses collaborateurs.
Maddouri ne suit pas beaucoup les réseaux sociaux et ne leur accorde pas beaucoup d’importance, ce qui va lui permettre de travailler tranquillement et sans pression.
Son plus grand défaut est qu’il n’a pas une grande aptitude à déléguer les taches aux subordonnés et préfère superviser la majorité des dossiers personnellement.
Kamel Maddouri est un bon communicateur, et possède un franc-parler irréprochable. Saura-t-il le garder dans son nouveau poste ?
L’actuel chef du gouvernement entretien de bonnes relations avec plusieurs cadres de la centrale syndicale, ce qui va faciliter le traitement de certains dossiers sociaux.
Maddouri : réussira-t-il sa mission ?
Avec ses qualités de grand commis de l’Etat, Maddouri aura des difficultés énormes à jongler entre l’administratif et le politique. Fin négociateur, il saura certainement composer avec le dictat de Carthage et sera capable de canaliser la pression sur certaines décisions. Malgré sa force de caractère, Maddouri, malheureusement ne pourra jamais dire « non » à son supérieur hiérarchique. Il aura aussi des difficultés à gérer une équipe ministérielle hétérogène, parce qu’il n’est pas habitué à ce genre de situations.
Sa maitrise des dossiers économiques est moyenne, et aura besoin d’un bon conseiller dans certains cas. Sur les dossiers sociaux, il est l’un des meilleurs dans notre pays.
Maddouri réussira sa mission certainement s’il compte sur les compétences de l’administration dont il connait le potentiel, et leur redonne la confiance perdue à cause de la diabolisation par certains.
Il réussira aussi s’il arrive à imposer son style de gestion, loin des restrictions et paramètres qui lui seront imposés par le palais de Carthage.
Sa réussite à la Kasbah est conditionnée à sa capacité à travailler avec les différents ministres, à la création d’un climat de cohésion entre les départements ministériels, et au suivi minutieux des différents dossiers relatifs au développement du pays.
Il doit aussi être convainquant vis-à-vis de la présidence, en se basant sur des éléments objectifs pour le traitement de certains dossiers, et ne pas se contenter d’appliquer les décisions à la lettre.
Nous espérons tous le succès et la réussite pour Mr Kamel Maddouri. Il est nommé dans une phase difficile de l’histoire de la Tunisie. Nous espérons aussi que le palais de Carthage lui laisse une certaine marge de manœuvre pour la parole et l’action. En tout cas nous sommes surs que Maddouri va nous faire oublier Najla Bouden et Ahmed Hachani, dont le passage est à classer aux oubliettes. Espérons que les prochaines semaines nous donneront raison.
SR